L’ESPAGNE À L’ÉCOUTE DE LA DIASPORA AFRICAINE ET AFRO-DESCENDANTE

Les 9 et 10 mai dernier, le siège du Ministère espagnol des Affaires Étrangères a accueilli le forum « Afro Diaspora(s) et société civile africaine : Construire des ponts entre l’Afrique et l’Espagne ». Il s’agissait pour les organisateurs de cette rencontre, à laquelle LemAfriQ a participé, de contribuer au dialogue avec cette communauté et de rendre visibles ses contributions.

Ils étaient nombreux à répondre à l’invitation des autorités espagnoles pendant deux jours. C’est un auditorium archicomble qui a accueilli environ deux cent personnes ― dont 29 conférenciers du secteur privé, du monde universitaire et la société civile ― venues des quatre coins de l’Espagne, mais aussi de l’Angleterre, de l’Angola, du Ghana, du Sénégal, du Mali et de l’Afrique du Sud, entre autres. L’enjeu était de taille : pour la première fois, l’Espagne décide de créer un cadre institutionnel de réflexion et de débat avec la participation d’acteurs clés de la diaspora africaine et afro-descendante présents sur son territoire.

L’événement, co-organisé par le Ministère des Affaires Étrangères, l’Union Européenne et de la Coopération ; le Ministère de l’Inclusion, de la Sécurité Sociale et des Migrations ; Casa África ; l’Organisation Internationale pour les Migrations ; en collaboration avec la Fondation Mujeres por África et l’ONG África Activa, a réuni des associations et des experts, dont le président de LemAfriQ, le professeur Roméo Gbaguidi. Étaient également présents des autorités africaines spécialisées dans le travail avec la diaspora, comme le Vice-Ministre des Relations Étrangères et de l’Intégration Régionale du Ghana, S.E. Kwaku Ampratwum-Sarpong, et le Secrétaire d’État aux Sénégalais de l’Extérieur, S.E. Amadou Chérif Diouf.

Les échanges ont porté sur six axes thématiques. Le premier, dédié aux associations de la diaspora africaine en Espagne a permis d’examiner les avancées obtenues par les groupements qui, même s’ils admettent leur reconnaissance officielle, dénoncent l’existence d’une asymétrie dans les rapports avec les autorités. C’est pourquoi ils demandent à être impliqués dans la conception des politiques d’accueil et d’intégration des migrants.

Le second, qui a porté sur le dialogue mené par la diaspora pour la construction d’une société plurielle, a été l’occasión pour les participants d’inviter à ne plus parler d’immigrants de deuxième génération, mais plutôt de citoyens espagnols de parents d’ascendance étrangère. En plus de participer à leur integration pleine, ce changement de paradigme devrait permettre une représentatation de la diversité dans le secteur du travail où 54% des migrants occupent des postes en dessous de leur qualification.

Par ailleurs, cette participation de la diaspora devrait intégrer les agendas de développement : Agenda 2030 des Nations Unies et Agenda 2063 de l’Union Africaine. C’est ce qui a été suggéré dans le troisième axe où il a été rappelé l’importance des programmes de mobilité d’enseignants et étudiants, et aussi les résidences artistiques pour la diffusion des expressions culturelles des peubles africains et afrodescendants. Outre la promotion des connaissances pour comprendre ce qui se passe en Afrique comme destination de futures carrières professionnelles, il y a aussi un besoin de présence africaine dans les institutions où se prennent les décisions sur l’Afrique. Cela passe par des programmes de transfert de compétences et migration circulaire évoqués dans le quatrième axe qui a proné la conversion du phénomène de « brain drain » en « brain gain ».

Pour atteindre cet objectif, l’Espagne doit mener une politique étrangère inclusive vis-à-vis de l’Afrique. Du moins, c’est ce qui ressort du cinquième panel et aux dires des autorités de ce pays pour qui l’idée de diversité et d’inclusion de la diaspora africaine est un sujet fondamental. En somme, l’Espagne veut travailler avec la diaspora pour voir comment elle peut contribuer au développement et aux changements socio-politiques du continent africain. C’est dans ce sens que le président du LemAfriQ à proposer aux autorités ministérielles la réalisation d’un « Who is Who » des membres et compétences des Diasporas africaines et afrodescendants en Espagne. Il a aussi souligné que l’agenda de la politique extérieure du Royaume, en rapport avec les pays africains, doit se faire dans une perspective de relation sincère et « gagnant-gagnant ». Pour cela, les citoyens espagnols d’origine africaine sont d’importants traits d’union entre l’Europe et l’Afrique et entre l’Espagne et chacun de leurs pays de provenance ou d’ascendance. 

Pour terminer, le sixième et dernier axe a formulé des recommendations. Ainsi, les participants ont demandé à l’Espagne d’avoir un regard global sur l’Afrique, tout en cherchant des crénaux dans chaque pays. Aussi lui faut-elle changer sa perception de l’Afrique et refuser d’être le mur de l’Europe pour devenir plutôt un pont afin d’aider l’Europe à comprendre l’Afrique. N’ayant pas un passé historique avec le continent voisin, l’Espagne ne devrait pas accepter que le poids symbolique de pays comme la France lui pèse dessus.

C’est sur ces notes que se sont cloturés les deux jours de réflexion et de dialogue, dont les principales contributions et conclusions doivent être recueillies dans un document qui sera mis à la disposition des participants, ainsi que d’autres acteurs clés, dans le but d’alimenter de futures initiatives en faveur du rôle de la diaspora en Espagne. Si la date de la prochaine édition n’a pas été donnée, il ressort que la continuité de cette rencontre est de la co-responsabilité du Ministère des Affaires Étrangères et de la société civile africaine.

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