Résumé réalisé par Dr. Abou TUO, Géographe – expert en migration. (Lire l’article complet dans la revue El FOCO 13 éditée par FEI)
La Côte d’Ivoire est un pays à vocation agricole conformément à la visée de la politique agricole coloniale. Dans cette lancée, les autorités Ivoiriennes d’après indépendance ont privilégié l’agriculture de plantation axée sur le binôme café-cacao. Ce choix a fait du Nord de la Côte d’Ivoire, une zone marginalisée au grand profit du Sud forestier. Il s’en suit dans la décennie 1970-1980, un déséquilibre flagrant en matière de développement régional entre le Sud forestier et le Nord du pays. Pour résoudre le problème, la cotonculture a été introduite dans le Nord du pays avec des mesures d’accompagnements très excitatrices. Les résultats de ce modèle de développement sont assez probants au point de susciter une migration intrarégionale pour la colonisation des terres jusqu’à ce jour restées inexploitées. C’est dans ce contexte que s’est développé la migration cotonnière du développement de Dianra.
Jusqu’à la fin des années 1990, le coton apparaissait comme la culture motrice du développement des régions de savane en Côte d’Ivoire et mieux du département de Dianra avec l’implantation d’une usine d’égrenage de coton. Au regard de l’impact de la cotonculture sur le développement des régions cibles, on note qu’il s’agit d’un projet de développement durable bien pensé en connaissance de cause de l’émergence des problèmes fonciers dans le Sud forestier. Malheureusement, suite à la chute consécutive des cours du coton et au coût élevé des facteurs de production, la stratégie de contournement choisie par les agriculteurs est la culture de l’anacarde. Laquelle culture s’est développée rapidement au côté du coton de plus en plus à l’abandon dans cette aire culturelle Sénoufo. Contrairement à la cotonculture promu par l’Etat Ivoirien, le développement de la culture de l’anacarde dans le département de Dianra comme dans la plupart des zones de production en Côte d’Ivoire est à l’initiative des agriculteurs. Aujourd’hui, cette culture procure des revenus qui mettent au défi toute autre culture du département au point de ravir au coton, la place de « culture moteur de développement » Berti et al (2006, p. 6).
Dans le département de Dianra, l’adoption de la culture de l’anacarde s’inscrit dans une logique de diversification des cultures d’exportation pour faire face aux contrainte naturelles d’ordre climatique et surtout les besoins numéraires dictés par la course au développement socioéconomique. Ces choix guidés ou spontanés des cultures principales en milieu rural comme modèle de développement local, ne prennent pas toujours en compte les facteurs externes et internes de durabilité des projets agricoles. En privilégiant la culture de l’anacarde dans la restructuration de l’espace agricole au détriment du coton c’est remettre en cause la politique de développement local ancien promu par les autorités Ivoiriennes. Et pourtant, ce modèle de développement au regard des résultats en matière de niveau de développement semblait bien pensé et bien adapté aux régions savanicoles du Nord Ivoirien. En effet, le développement de la cotonculture en région de savane en Côte d’Ivoire rime avec le début de l’introduction de la culture attelée et au virement progressif des producteurs vers ce nouveau mode de production. L’adoption de la culture attelée a conduit à l’extension des surfaces emblavées tant pour le coton aussi bien que pour les cultures vivrières en l’occurrence, la culture du riz et du maïs. Il s’en suit une augmentation des revenus par l’effet de l’accroissement des superficies agricoles. Outre l’amélioration des revenus, la cotonculture apparaissait comme le gage de la sécurité alimentaire du département de Dianra. En passant de la cotonculture à la culture de l’anacarde, par le modèle associatif, les producteurs ont montré leur capacité de résilience face à toute situation qui compromet leur intérêt. Le problème est qu’après seulement deux décennies d’expérience avec l’anacarde comme culture motrice dans le département de Dianra, on assiste à l’émergence d’un autre type de problème qui, si l’on n’y prend garde, risque de compromettre définitivement la dynamique agricole du département de Dianra.
En effet, la culture de l’anacarde qui a connu un progrès spectaculaire dans le département de Dianra répondait dans la visée des producteurs, à plusieurs besoins. Aux besoins numéraires, s’ajoute la préoccupation de la variation climatique qui impacte négativement le niveau de production des producteurs. La structuration de l’espace agricole désormais dominée par les vergers d’anacarde, est aujourd’hui au centre de conflits interminables nés de la saturation foncière. L’extension des vergers d’anacarde a conduit à l’immobilisation des terres agricoles là où la demande est de plus en plus forte à cause de l’accroissement rapide de la population agricole. De ces constats, il apparait très difficile de trouver un modèle approprié de développement local durable des zones de savane ivoirienne fondé sur les cultures d’exportation qu’elles soient annuelles ou pérennes. Dès lors, convient-il de s’interroger sur les enjeux à long terme des choix privilégies des cultures dans l’élaboration des plans stratégiques de développement local. A l’évidence, la préoccupation centrale est de savoir dans quelle mesure l’agriculture peut-elle servir de repère dans la stratégie de développement local du département de Dianra et par-delà, les autres localités des régions de savane en Côte d’Ivoire ?
La réponse à cette question se fonde sur l’analyse de données fournies par une recherche documentaire et une enquête de terrain. La recherche documentaire se résume en la consultation de documents généraux et spécialisés. A ces documents s’ajoutent des rapports de plan de campagne, fournit par les sociétés cotonnières (Ivoire Coton), une monographie consultée à la sous-préfecture de Dianra sans compter les données statistiques collectées auprès de la direction départementale du ministère de l’agriculture de Dianra et celui des Ressources animales et halieutiques. L’enquête de terrain s’est déroulée dans 8 localités choisies au sein des deux sous-préfectures qui composent le département. Au total, cette enquête a concerné 205 cotonculteurs pour un taux de couverture et de représentativité respectivement porté à 33,33 et 15%.
Les résultats de l’étude stipulent que la cotonculture est le fondement de l’immigration agricole du département de Dianra. A ce titre, l’immigration cotonnière du département de Dianra s’est soldée par un taux important du nombre des immigrants dans la population agricole de Dianra marquée par une inégale répartition de la population entre immigrants (70 %) et autochtones (30 %). Par ailleurs, la culture cotonnière qui fondait la principale raison de l’immigration dans l’espace agricole de Dianra s’est vue reléguée au second rang en terme de choix des principales cultures adoptées par les agriculteurs de la localité de Dianra. Dans un passé récent (1980-2000), la cotonculture constituait la pierre angulaire du développement local à Dianra. Elle est à l’origine des innovations techniques agricoles (culture attelée, usage d’intrants) et surtout de la sécurité alimentaire par l’accroissement des rendements en matière de production vivrière.
Malheureusement, suite à la chute consécutive des cours du coton et au coût élevé des facteurs de production, la stratégie de contournement choisie par les agriculteurs est la culture de l’anacarde. Laquelle culture s’est développée rapidement au détriment du coton. Aujourd’hui, cette culture procure des revenus qui mettent au défi toute autre culture du département au point de ravir au coton la place de « culture moteur de développement » Berti et al (2006, p. 6). Le recours à la culture de l’anacarde comme nouvelle culture pour faire face aux nouveaux défis agricoles s’est soldé dans le temps par l’extension démesurée des vergers d’anacarde conduisant à « la fin des terres » avec son corollaire de problèmes multiples tels que les conflits fonciers. Si le développement guidé et soutenu de la cotonculture avait pour unique but de réduire les disparités régionales, on apprend avec les producteurs que, l’adoption de la culture de l’anacarde s’inscrit dans une logique de diversification des cultures d’exportation pour faire face aux contraintes naturelles d’ordre climatique et surtout aux besoins numéraires dicté par la course au développement socioéconomique. Cette motivation a abouti à la restructuration du paysage agraire du département de Dianra qui, aujourd’hui, est dominé par les vergers d’anacarde. Avec une superficie moyenne de 11 ha par agriculteur en production chez les immigrants contre 17 ha chez les autochtones, c’est plus de 40% des terres arables qui ont été immobilisées. Cette situation qui rime avec la « fin des terres arables » n’est pas sans conséquence sur le développement de l’activité de l’élevage de bovins. Les aires de pâturage se sont raréfiés avec pour conséquence, l’intensification des dégâts de cultures (Tuo et al, 2018). Pour faire face au problème reçurent de dégâts de culture et le manque de terre agricole, les forêts classées sont devenues le champ d’exercice des activités agro-pastorales du département de Dianra depuis la crise militaro-politique du 19 septembre 2002. Jusqu’en fin 2017, la forêt du Foumbou comptait plusieurs établissements (villages et campements) villageois tels : Nambeguékaha, Djémissakaha, Dohvogo, Nanlourgovogo, Nanwakaha et petit Sossorisso dont l’année de création (2014) est plus récente.
Ces choix guidés ou spontanés des cultures principales en milieu rural comme modèle de développement local qui ne prennent pas toujours en compte les facteurs externes et internes de durabilité des projets agricoles, ont montré leurs limites dans le temps et dans l’espace. D’où la nécessité de repenser la politique de développement agricole des régions de savane en Côte d’Ivoire. Pour résorber les problèmes de développement agricole afin de donner libre cours au processus de développement continu du département de Dianra, il conviendrait de contourner les risques de l’agriculture pluviale en investissant dans l’agriculture irriguée. Le succès de cette initiative passe par la mise en place d’un cadre légal de concertation entre tous les acteurs du développement (élus, cadres, agriculteurs et éleveurs) dans la perspective de trouver les moyens d’un investissement agricole durable et des actions concertées de développement local continu dans le temps.