Laboratoire d’Etude des Migrations Africaines

DES CHERCHEURS AFRICAINS ET EUROPÉENS RÉFLICHISSENT SUR LES MIGRATIONS LIÉES AUX CONFLITS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE

Le 24 novembre passé, le Laboratoire d’Étude des Migrations Africaines, en abrégé LemAfriQ, a organisé un séminaire en ligne depuis Bamako, la capitale du Mali. Privilégiant une approche pluridisciplinaire, des chercheur.e.s de différents pays se sont donné rendez-vous autour du thème « Conflits, changement climatique et migrations rurales vers les villes ».

Les mots de bienvenue ont été prononcés par le coordinateur du webinaire, le Dr. Diachari Poudiougo de l’Université des Sciences Juridiques et Politiques de Bamako ; qui a été suivi par le Prof. Jean-Arsène Yao et le Dr. Roméo Gbaguidi, respectivement Directeur de Publication et Directeur de Recherche de LemAfriQ.

 

Quels sont les impacts socioéconomiques du changement climatique et des conflits sur les populations africaines sahéliennes ? Quels sont les défis sécuritaires conséquences des migrations rurales vers les villes ? Existe-il une corrélation entre changement climatique et migration des zones rurales vers les villes ? Quelles sont les causes profondes et réelles des conflits armés dans les pays du Sahel ? Quelles réponses prenant en compte les défis actuels capables d’assurer un développement durable de la région ? Telles sont quelques questions auxquelles les participants ont cherché à apporter des réponses à partir des différentes communications regroupées en quatre panels et une conférence inaugurale.

 

Celle-ci fut prononcée par S.E.M. Mamane Oumaria, Conseiller spécial du Premier Ministre du Niger, Expert de l’ONU et membre du Comité des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, en abrégé CMW. Son intervention sur « Impacts des conflits et du changement climatique sur la migration des zones rurales vers les villes : cas du Niger » a permis de comprendre les avancées faites par son pays en matière de protection de la nature et de développement rurale, mais aussi les nombreux défis qui restent encore à relever. Au nombre desquels celui de la fourniture en eau dans plusieurs zones du Niger, malgré l’existence d’un projet de construction de retenues d’eau depuis les années 1980. Conséquence de ce qui précède, monsieur Oumaria a fait remarquer que, de plus en plus, les communautés nomades se sédantarisent et reconvertissent. « La majorité des vendeurs de téléphones celullaires sont d’anciens nomades », dira-t-il.

 

À sa suite, le premier panel a été l’occasion de réfléchir sur les implications du changement climatique sur les migrations vers les villes. Ouvert par la journaliste et chercheure espagnole Aurora Moreno Alcojor, pour qui l’Afrique sera le continent le plus touché par le changement climatique, sans y avoir trop contribué. Elle en veut pour preuve la fréquence accrue des phénomènes météorologiques extrêmes, le tarrissement des sources d’eau douce et les changements dans les modèles de pêche et d’agriculture qui sont à l’origine de l’insécurité alimentaire qui touche les populations les plus vulnérables, à savoir les femmes rurales, les enfants, les personnes déplacées et les habitants des zones périurbaines. Cette crise multidimensionnelle a des implications dans les collectivités territoriales, selon Dr. Mory Diallo, enseignant-chercheur à Bamako, qui considère par ailleurs qu’elle a beaucoup contribué à l’insertion des jeunes dans les mouvements armés ou terroristes. Face à cette situation très préoccupante, le Dr. Hawa Kayentao, elle aussi enseignante-chercheure à Bamako, suggère une intervention des Etats, et ce, par des mesures concrètes pour prévenir les déplacements de populations et offrir aide et protection aux personnes déplacées. En ce sens, elle propose la mise en place indispensable d’un cadre juridique international de protection des migrants face aux changements climatiques et la nécessaire élaboration aux niveaux communautaire et national d’un nouveau statut protecteur des migrants exposés aux effets des changements climatiques.

 

Le second panel a revisité et mis à jour les liens entre les conflits et les migrations rurales vers les villes. Dans une approche juridique fondée sur une recherche documentaire et sur le terrain, ancrée dans le droit international humanitaire, Dr. Jermie Coulibaly a examiné le sort des populations maliennes victimes de migration forcée des zones rurales vers les villes. De même, il a analysé les textes juridiques sur la protection des victimes de ce phénomène et fait des recommandations pour leur assimilation, dans leur communauté d’accueil. Pour monsieur Denis Kamaté, les conséquences des conflits dans une région comme celle de Mopti sont nombreuses. Il s’agit notamment de la recrudescence de l’insécurité et des violences avec pour corollaires de multiples violations des droits humains (atteintes au droit à la vie, déplacements de populations civiles, détentions arbitraires et torture, etc.) ; la lenteur dans la lutte contre l’impunité des crimes y compris sexuels commis. C’est pourquoi, partant de l’exemple de l’Espagne qui a pu tirer des leçons de sa guerre, les Dr. Sophie Solama-Coulibaly et Dr. Estelle N’Guessan Kouamé de l’Université Félix Houphouët-Boigny, ont proposé des solutions durables aux conflits armés qui menacent de déstabiliser la Côte d’Ivoire.

 

Le troisème panel s’est focalisé sur la sociologie des migrations rurales vers les villes. En ce sens, pour la gouvernance et les rapports sociaux dans les sites d’accueil des déplacés internes de la crise malienne à Bamako, Dr. Kanchi Goïta de l’Académie Malienne des Langues, revèle que chaque site a un organe de gestion jouant le rôle d’interface avec les autorités et autres intervenants, que de nouveaux rapports sociaux et relations ont été construits au sein de ces sites donnant une nouvelle vie aux déplacés internes. Pour sa part, Mlle Sama Adèle Baya révèle d’abord que la plupart des déplacés perçoivent la ville comme un endroit fait pour les riches, beaucoup d’entre eux préférant la vie au village. En outre, elle renseigne que la plupart des déplacés refusent de continuer à vivre dans les grandes villes comme Bamako car selon eux, la vie est très chère. Quant au Dr. Amadou Sow, il considère que la migration et l’apatridie sont les émanations d’une même lumière, car l’apatridie a pour cause la migration. La problématique des migrations, surtout forcées, comme le cas des demandeurs d’asile, des réfugiés et des déplacés internes impactant l’effectivité de la nationalité. C’est pourquoi sa réflexion portera d’une part sur les effets de l’apatridie, et sur la prévention de l’apatridie comme moyen de lutte contre l’insécurité d’autre part.

 

Dans le prolongement de la thématique du panel précédant, le quatrième a proposé en cloture une réflexion sur les mineurs en situation de migration interne. Selon le Dr. Yamalou Dolo, les enfants constituent un groupe vulnérable de la société et à ce titre ils nécessitent une protection spécifique, en particulier en temps de conflits armés où leurs droits peuvent être violés. C’est pourquoi il faut renforcer le système national et international de protection de l’enfant. En outre, il est nécessaire d’identifier les différentes violations des droits de l’enfant dans les conflits armés comme celui du Mali et à analyser leur impact sur les enfants. De ce point de vue, Mr. Idrissa Diassy qui est intervenu depuis la Guinée Conakry, suggère d’intensifier un appui au gouvernement et aux élus locaux dans les régions et d’autres acteurs en fournissant des orientations relatives aux migrations. De même, il recommande de renforcer les capacités et élaborer des approches inclusives axées sur les migrations, en vue de relever les défis que pose la mobilité humaine et saisir les possibilités liées aux changements climatiques et environnementaux.

 

C’est donc sur une note d’optimisme que les participants au webinaire se sont séparés en espérant se retrouver très prochainement lors d’une rencontre en présentiel.

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